Les Solanacées: les plantes empoisonnées de la sorcellerie

 

« Enfin, l’onguent ou les onguents employés en sorcellerie peuvent être très nuisibles quand ils ne sont pas préparés secundum artem, surtout quand la jusquiame et la mandragore ne sont pas corrigées par d’autres principes: ils peuvent causer la paralysie ou la mort. On a vu des personnes qui sont restées toute leur vie hémiplégiques, et d’autres qui sont mortes spontanément, par l’effet de ces poisons, pour  avoir eu la folle curiosité de se graisser, afin d’aller au sabbat ».

Gustave le Rouge : LA MANDRAGORE MAGIQUE

Article original : http://sarahannelawless.com/2010/05/10/solanum/

Par Sarah, le 10 mai 2010

mandrake_naples_dioscurides-600x706

Il fut un temps il y a très longtemps alors les hommes communiaient encore avec les plantes, les esprits des défunts et les dieux, ils firent la connaissance de la famille des Solanacées : de leur grand pouvoir, mais aussi de leur dangers.

Ceux qui connaissaient le secret de ces plantes, étaient craints et ils furent dénoncés ensuite comme sorciers et empoisonneurs pour être bannis de la société, car le pouvoir des Solanacées permettait de défaire des armées et mettre à genoux des royaumes.

Et ils y parvinrent, de nombreuses fois, quand ceux qui connaissaient les secrets l’utilisaient contre les armées comme prémices d’armes chimiques.

Les plus célèbres pour leur connaissance des Solanacées peuvent paraître familiers : Circé, Médéa, Hécate – de grandes sorcières et une grande reine chacune reconnue pour leurs compétences en plantes empoisonnées.

Les Solanacées sont la Belladone, la Datura, la Jusquiame, la Mandragore, la Morelle, mais aussi des genres plus familiers comme les poivrons, les piments, les pommes de terre, le tabac et les tomates.

Si ces noms paraissent familiers c’est parce que les premières peuvent chacune se retrouver dans les recettes anciennes et nouvelles de L’onguent de vol, et les dernières sont plus coutumières des assiettes par-delà le monde.

Les plantes ne sont ni bonnes ni mauvaises dans leur nature. C’est l’humanité qui utilise une plante pour le bien dans la guérison, ou le mal pour tuer ou maudire.

039

Belladone, Datura, Jusquiame, Mandragore et autres morelles étaient toutes trouvées communément dans les remèdes de l’ancien temps.

Elles étaient alors respectées pour le danger de leur pouvoir, mais par leur usage régulier, les gens d’autrefois ont vu qu’elles étaient aussi de puissants remèdes.

Ce n’est qu’au siècle dernier que les extraits de ces plantes ont été utilisés pour les médicaments modernes.

L’atropine, par exemple, issu de la Belladone, la Datura, et la Mandragore, est référencées comme “remède de base” sur la “liste des remèdes essentiels” de l’Organisation Mondiale pour la Sante, car elle est utilisée pour les problèmes de cœur, poumons et système nerveux, tout comme en réanimation après les arrêts cardiaques, mais c’est aussi un antidote pour différentes formes d’empoisonnement.

Toutes ces plantes de la famille des Solanacées ne devraient jamais être prises en interne en raison de l’élément tropane qu’elles contiennent.

Le corps peut construire une résistance au tropane, mais pas le cœur, et ne serait-ce qu’une simple ingestion peut causer des dommages cardiaques permanents.

Une ingestion répétée causera assurément la mort.

Si une personne est en plein santé, elle pourrait s’en sortir en buvant un vin infusé de mandragore correctement dosé ou une bière à la jusquiame une fois de temps en temps, mais j’éviterai totalement l’ingestion de belladone ou de datura du fait que les dangers et les dommages irréversibles n’en valent pas les risques.

witchandthemandrake_henryfuseli1812-300x237

 » La sorcière et la Mandragore » par Henry Fuseli, 1812

L’association avec la sorcellerie de l’art d’empoisonner peut se retrouver dans le mot grec pharmakos, utilisés pour les remèdes à base de plante, les potions enchantées, et les poisons pour finalement devenir synonyme de sorcier, herbaliste ou l’empoisonneur qui les a fabriqués.

Pharmakos bien sûr est la racine du terme moderne pharmacologie et pharmaceutique.
La grande déesse Diane, qui est associée à l’ancienne déesse grecque Artémis, a enseigné à sa fille Aradia (Herodias), l’art de l’empoisonnement comme partie intégrante de son apprentissage en sorcellerie, pour lui demander de l’apprendre aux paysans pour qu’ils puissent se libérer de l’esclavage et de l’oppression grâce aux poisons comme ont pu le faire les esclaves pendant la révolution haïtienne pour obtenir la terre sur laquelle on les obligeait de travailler.

De Diane à Aradia, issu du Gospel des Sorcières d’Aradia d’Italie :

« Ainsi, la première sorcière connue tu seras;
Ainsi, la première de toute, dans le monde tu seras;
Et ainsi l’art de l’empoisonnement tu enseigneras;
De l’empoisonnement de ceux qui grands seigneurs, dominent les autres ;
Oui, ainsi tu les feras périr en leurs palais ;
Ainsi par sorcellerie tu enfermeras l’âme de l’oppresseur ;
Et quand tu trouveras un riche paysan ;
Alors, à ton élève le sorcier, tu enseigneras comment
Ruiner ses récoltes par de fortes tempêtes,
Par les éclairs et le terrible tonnerre
Et par la grêle et le vent… »

La Belladone:

atropa-belladonna

Autre noms: Atropa belladonna, Belladonna, Morelle mortelle, Dwale, Herbe de mort, baie de sorcellerie.

Divinités et esprits gouvernants : Atropos, Dionysos, Hécate, les Moires (Parques), les Valkyries, Freyja, Odin.

Cette plante a pris le nom d’Atropos l’une des trois Destinée dont le nom signifie « inéluctable » du fait qu’elle était celle qui coupe le fil de la vie et cause de la mort de tous les humains. Certains pensent que le nom de cette plante est un jeu de mots dans une phrase grecquo-romaine signifiant « ne trahis pas une belle femme », mais je crois que cela signifie simplement « belle dame mortelle » en référence aux déesses qui gouvernent cette plante.
La belladone est traditionnellement une plante de transvection utilisée en shamanisme bien avant un usage similaire en sorcellerie pour ouvrir les portails entre les mondes et quitter le corps ; d’où son usage dans le traditionnel onguent de vol.

La Morelle Douce Amer

bittersweet

Autre noms: Solanum dulcamara, Douce amer, herbe au félon, morelle des jardins, baie écarlate, baie au serpent, liane bâton, morelle des bois.

Divinité gouvernante: Hermès, Hécate.

Cette morelle se trouve au travers toute l’Europe, l’Asie et aussi l’Amérique du nord ou elle est plus commune dans les forêts, les haies et éboulis. On la reconnaît à ses fleurs violettes brillantes et ses rameaux qui ressemblent de près à celles d’un plant de pomme de terre.

Les baies sont rouge clair, la totalité de la plante est toxique et aucune des parties n’est hallucinogène. Elle est utilisée en externe pour soigner les bleus, les bosses, les torsions, les cors et les abcès – particulièrement quand elle est associée à la camomille.

Elle n’est pas à brûler en encens ou ingérée, mais elle peut être utilisée dans un baume rituel pour des offrandes aux déités citées.
Les baies sont de bonnes offrandes aux esprits des défunts.

La Morelle Noire:

black-nightshade

Autre noms: deux variétés- Solanum nigrum (Européenne) et Solanum americanum (Amérique du nord).

Divinité gouvernante : Hécate, Isis, saturne, Hadès

Trouvée à l’état sauvage dans les forêts, les endroits abandonnés, les haies, et les jachères, cette morelle est aussi toxique mais les baies bien mûres sont okay en très petites quantités.
Les morelles noires ne sont pas hallucinogènes.
Cuisinées, les baies perdent de leur toxicité et la morelle noire peut se trouver être une plante alimentaire en Inde ou Ethiopie.
Un sorcier futé pourrait faire une confiture ou une liqueur de baies bien mûres accompagné de prunelles de Prunus Spinoza pour une offrande a l’usage de communion avec les esprits et les dieux de l’outre-monde.
La baie est aussi trouvée dans d’anciennes recettes d’encens Kyphi, mais aussi dans les baumes et encens pour Hécate, mais assure vous de n’utiliser que les bais muries pour l’utilisation en encens du fait que les feuilles et les racines émettent des fumées toxiques lorsqu’elles sont brûlées.

Datura

datura

Autre noms: Datura stramoine, Datura inoxia, Datura wrightii, trompette des anges, pomme du diable, trompette du démon, Herbe de Jimson, Herbe du Sorcier, Stramoine, Pomme épineuse.

Divinité gouvernante : Hadès, Hécate, Saturne.

Cette grande plante se trouve en Amérique du nord et du sud, mais de plus petites variétés peuvent être trouvées dans d’autres parties du monde, dont l’Europe. La Datura est dangereuse même au toucher, donc soyez particulièrement précautionneux dans la manipulation de cette plante qu’elle soit fraîche ou sèche.

Elle possède de nombreuse propriétés médicinales, mais est très rarement utilisée en raison de sa toxicité et de sa mauvaise habitude à causer de sévères et imprévisibles hallucinations pouvant durer des heures ou des jours chez la personne qui l’a mangé ou fumé qui se doit d’être attachée avant pour se prémunir de faire du mal tant à soi qu’aux autres.

En Amérique du Sud, les graines de l’arbre datura (ou burgmansia) étaient pulvérisées et mélangées à de la graisse de porc pour fabriquer un onguent de guérison utilisé aussi par les chamans pour leurs voyages astraux dans le monde des esprits – Et même dans ce cas, ce n’était utilisé que dans des cas ultimes de grande nécessité tels que la récupération d’âmes ou le retournement de grandes malédictions causées par les ancêtres.

Dans la magie populaire, c’est utilisé pour inverser les malédictions contre l’initiateur et casser les mauvais sorts.

La Jusquiame :

henbane

Autre noms : Jusquiame noire, morelle noire, Œil du diable, carillon infernal, haricot de Jupiter, tabac poison, morelle puante.

Divinité gouvernante : Apollon, Belenos, Hadès, Hécate, Jupiter, Thor, Zeus.

La Jusquiame est une plante que l’on trouve dans le nord des U.S.A. au Canada et en Europe. Dans la magie Européenne populaire, elle était utilisée par les hommes pour attirer l’amour et / ou une épouse. Elle était brûlée en extérieur pour causer la pluie.

En médecine Grecque ancienne, elle était utilisée en sédatif et dans la magie grecque traditionnelle, la Jusquiame était utilisée pour la divination et on trouve des recettes d’encens pour faire s’élever les ombres de l’autre-monde.

C’était aussi utilisé comme aphrodisiaque et dans les filtres d’amour pour contraindre quelqu’un à tomber amoureux.

La jusquiame était trouvée comme ingrédient commun dans les bières et les vins jusqu’au Moyen-Age, bien que, cette plante soit toxique et hallucinogène et, comme d’autres solanacées, il soit préférable de l’utiliser en externe.

En sorcellerie, elle peut être ajoutée en juste dosage pour l’onguent de vol ou en huile de massage aphrodisiaque.

La Mandragore :

mandrake-300x226

Autre noms : Mandragora officinalis, Atropa mandragora, Alraun, Voleur de cerveau, Circeum, Circoea, Œufs de Djinn, Pommes d’Or d’Aphrodite, Mandragora, Mandragor, Manikin, Racine de sorcier, tagete de sorcière, Womandrake

Divinités et esprits gouvernants : Aphrodite, Circé, Hathor, Hécate, Médéa, Prométhée.

Dans la Grèce ancienne, la mandragore était pulvérisée pour être ajoutée aux vins tout comme aux philtres d’amour.

Elle était bien connue pour faire agir les humains comme des bêtes et on lui attribue en partie la responsabilité de certaines légendes de loup-garous et métamorphes.
La mandragore est hallucinogène, et, bien qu’elle contienne moins de tropanes que d’autres de sa famille, elle ne devrait être ingérée qu’exceptionnellement dans la vie d’une personne.

En tant qu’hallucinogène elle est mieux ingérée en infusion où macérée dans du vin, mais il est bien plus courant de trouver la mandragore comme ingrédient de vol comme le baume magique de Médéa dont elle a appris l’usage de racine de mandragore du Titan Prométhée.

Médéa a fait ce baume pour le héros Jason afin qu’il puisse s’introduire dans le jardin d’Hécate et voler la Toison d’or.

Si vous deviez décider d’ingérer ou d’appliquer une teinture ou un baume de mandragore en externe, assurez-vous d’être particulièrement attentionné d’abord sur vos dosages afin de ne pas vous empoisonner.

La mandragore a été utilisée pendant des millénaires dans la magie populaire pour la fertilité et la magie amoureuse.

Lorsqu’elle est ingérée, en fait, elle diminue la libido, donc la racine est utilisée de façon sympathique pour cette application.

En usage externe elle agit comme euphorisant et la fabrication d’onguents aphrodisiaques en font le meilleur choix pour la magie sexuelle.

Les racines de mandragore ont aussi une longue histoire d’usages comme manikin, tagetes ou Alrauns – des poupées sculptées investies avec un esprit pour un usage en porte bonheur, guérisseur, et prophétique.

Ces poupées mandragore étaient habituellement conservées enveloppées dans un linge ou rangées dans une petite boite en forme de cercueil à l’abri de tous les regards autres que ceux du propriétaire.

Elles étaient considérées comme étant de grandes responsabilités à conserver et devaient être nourries pour conserver leur force. De tels talismans étaient transmis dans les familles durant des générations avant d’être mises hors-la-loi par l’Eglise en Europe.

Plus sur Sarah Ann Lawless 

Lectures recommandées :
Miller, Richard Allan. The Magical and Ritual Use of Aphrodisiacs. Destiny Books, 1993.*
Miller, Richard Allan. The Magical and Ritual Use of Herbs. Destiny Books, 1993.*
Müller-Ebeling, Rätsch, & Storl. Witchcraft Medicine: Healing Arts, Shamanic Practices, and Forbidden Plants. Inner Traditions, 2003.
Pendell, Dale. Pharmako Series. North Atlantic Books, 2009.
Schultes, Hofman, & Rätsch. Plants of the Gods: Their Sacred, Healing, and Hallucinogenic Powers. Healing Arts Press, 2001.
Thompson, C.J.S. The Mystic Mandrake. University Books, 1968.

Laisser un commentaire